Le soleil réchauffait lentement la terre détrempée par les averses diluviennes de la nuit. Un épais brouillard s'élevait ainsi sur les chemins sinueux et pentus qui menaient au castel de Lauzières. Frappant le sol caillouteux d'un pas régulier et sûr, faisant parfois gicler quelques flaques d'eau de pluie, un imposant cheval d'un blanc sali portait en selle un cavalier de bien modeste allure. Vêtu d'un long mantel beige, d'une étoffe grossière et détrempé par les trombes d'eau qui s'étaient abattues sur le Languedoc quelques heures plus tôt, l'homme chevauchait tout recroquevillé, vacillant parfois et menaçant ainsi de tomber de fatigue. Il avait passé la nuit à cheval, depuis la capitale du Languedoc, Montpellier, où résidait la famille Desage, ainsi éloignée de ses terres du fait des engagements militaire du baron.
De son épaule pendait une besace de cuir usé, fermée par une croix occitane en argent. La pointe du fourreau de sa longue épée dépassait de sous sa cape.
Approchant lentement des portes du chateau, il rabattit sur son visage sa longue capuche, dont la pointe gouttait telle un stalactite rupestre. Par dessous l'étoffe, il avisa avec un haussement de sourcil les deux hommes hommes d'arme bringuebalants et eux-même détrempés, collés à la muraille et serrés l'un contre l'autre pour tenter de trouver une once de chaleur.
Sa voix chanta clairement, brisant le silence matinal qui régnait sur le chateau:
Adissiatz!
Il plongea la main dans sa besace et en sortit un parchemin cacheté.
J'ai une missive pour la dame de Lauzères, de la part du baron douairier de La Voulte, Adrien Desage.
Les deux bougres se regardèrent béatement jusqu'à ce que l'homme ajoute:
A remettre en mains propres...